Quatrième semaine de la mission TURSMED 2020, voici le journal de bord des aventures dans le Golfe du Lion :
Lundi 21 septembre
Nouvelle semaine, renouvellement des équipiers et des gestionnaires d’AMP. La journée commence par le briefing des nouveaux observateurs, Laurène, Frank, et Charly, de MIRACETI, et Gaël, d’Al Lark, puis la présentation de la mission à Stephan, du Parc régional de Camargue, et Marion, de Toulon Provence Méditerranée. La météo est excellente, vent quasi nul, mer ridée, grand soleil, alors que les prévisions de la semaine dernière nous avaient préparés au pire. Nous trépignons d’impatience de partir en mer, mais après le plein de carburant, nous ne quittons le quai qu’à 10h30. Un mal pour un bien : 10h55, Julie repère des ailerons. De nombreux ailerons ! Un groupe d’une vingtaine de Grands Dauphins, dispersés sur une vaste zone, répartis en trois sous-groupes, se dirigeant vers le Frioul. L’approche initiale est perturbée par la présence de deux barques de pêche qui se collent aux dauphins pour les filmer au smartphone, nous contraignant à nous tenir en retrait afin de ne pas rajouter de dérangement. Après un long moment, les pêcheurs laissent les dauphins tranquilles pour se diriger vers des sauts d’Espadon, et nous pouvons reprendre le travail de photo-identification. De nombreux Tursiops habitués des eaux marseillaises sont là, dont FR-11, notre vieux copain à la dorsale blanche. Les dauphins sont très calmes, viennent parfois au bateau, semblent parfois avoir des comportements de chasse. Après la photo-ID, Julie lance le drone pendant que Laurène tente un suivi acoustique. Les images recueillies sont très intéressantes. On y voit notamment FR-11 se retourner calmement sur le côté pour regarder le drone qui le survole à bonne hauteur.
Satisfaits du travail réalisé sur ces dauphins, nous quittons le groupe à mi-chemin de Ratonneau, pour obliquer vers le sud, un secteur sous-prospecté dans l’étude du Golfe de Marseille, du fait de son éloignement. Depuis le départ, les observations d’oiseaux marins sont nombreuses, dont plusieurs Fous de Bassan, encore beaucoup de Puffins de Scopoli en mue, qui n’ont pas encore pris la route de l’Atlantique sud, et quelques Puffins yelkouans et Sternes caugeks. Nous naviguons ainsi au-delà de la bouée Oméga, qui marque l’entrée du chenal du Golfe de Fos, jusqu’à 11 milles de la côte. Les heures passant, il est temps de se diriger vers un point de chute pour la nuit, tout en continuant la prospection. Le petit port de Carro n’ayant malheureusement plus de place pour notre voilier de 13.6 mètres, nous irons à Port-de-Bouc, après une boucle infructueuse dans le golfe.
Nuit amarrés au quai du port, sans point d’eau ni électricité.
Frank
Mardi 22 septembre
Notre réveil à Port de Bouc se fait sous les flashs des orages qui semblent nous cerner et surtout indiquer que notre escale se prolongera au moins pour la matinée.
Après quelques manœuvres pour se brancher, nous décidons de profiter de l’environnement particulier de Port de Bouc pour filmer le paysage industriel du littoral. Une fois en mer, la tentation est trop forte de commencer la prospection malgré des conditions qui ne plaisent qu’aux oiseaux marins.
Nous rentrons donc à Port de Bouc bredouilles et sous les panaches des torchères, odorantes par ce vent d’Est, remplis d’espoirs (à l’idée de retrouver de l’air pur et des grands dauphins) pour la journée à venir.
Marion
Mercredi 23 septembre
Après une nuit sous les vapeurs industrielles et la pluie, la motivation des troupes est totale dès le réveil. Nous appareillons donc avec les premiers rayons du soleil à la recherche du moindre indice de présence des grands dauphins.
Concentrés sur le moindre saut et la moindre éclaboussure, l’embouchure du Rhône et les eaux camarguaises nous réservent de nombreuses chasses de thon et d’espadons. Les oiseaux qui croisent notre route et les nombreux radeaux de Puffins de Yelkouan qui s’envolent nous font patienter, mais les hallucinations sont de plus en plus dures à contenir et la tension monte sur le pont…
C’est finalement Julie, qui nous libère en milieu d’après-midi en détectant des ailerons sur l’horizon. Très vite, il est confirmé que ce sont des Grands dauphins et le groupe qui paraît très dynamique nous offre des sauts et des accélérations plutôt spectaculaires.
Une fois le contact établi, le groupe se révèle être très compact et se livre à des activités sociales intenses : frottements, sauts en mêlées… En tendant l’oreille nous réussissons même à capter leurs vocalises et restons captivés par leur jeu à l’étrave du bateau et leurs sauts acrobatiques.
Le drone est lancé et le spectacle continu avec des prises de vue impressionnantes, même si le rythme et les interactions ralentissent.
Après plus d’une heure d’observation ils reprennent leur course et nous prenons la direction de Port Camargue où nous sommes accueillis par un défilé de dériveurs et un balai de kite surf.
Marion
Jeudi 24 septembre
Après une douce et calme nuit dans la marina de Port-Camargue, au fond du magnifique golfe d’Aigues-Mortes (oui, c’est vrai, c’est un peu chez moi donc un peu subjectif), nous quittons le plus grand port d’Europe à l’aube dès 7h30 en longeant le rivage du golfe vers le sud-ouest.
Les chalutiers sont déjà loin et peu d’oiseaux, mis à part les sternes caugeks et mouettes mélanocéphales en ce début de journée où le soleil commence à nous réchauffer en passant au large de Palavas.
Nous quittons donc les eaux littorales pour nous avancer vers le large à environ 15 milles de la côte avec le phare de l’Espiguette au nord-ouest et le Mont Saint Clair à l’ouest.
Nous repérons vers 11h30 un chalutier apparemment engageant avec sa cohorte de goélands et de puffins de Yelkouan. Et l’impression était bonne, Marion repère des ailerons de Grands dauphins dans le sillage du chalutier sétois. 7 à 8 individus adultes, peu coopératifs et rapides, sont observés et photographiés afin de permettre la photo-identification. Devant leur volonté à tracer leur route sans s’intéresser à nous, nous les lâchons au bout d’une petite heure.
Nous continuons vers le sud en longeant le plateau continental. Quelques observations ornithologiques intéressantes ou originales comme ces 20 Spatules blanches en vol en V vers l’ouest ou 5 Océanites tempêtes au ras de l’eau.
Vers 13h15, alors que le repas n’est pas terminé pour tout le monde sur le bateau, Gaël alerte sur un nombre important de Grands dauphins dans le sillage d’un chalutier qui s’avère être le même que ce matin. Et ce ne sont pas moins de 18 à 25 Grands dauphins qui sont cette fois observés derrière le bateau en action de chasse avec deux ou trois nouveau-nés. Peut-être le groupe du matin est présent mais le groupe est beaucoup plus expressif et interactif en nous honorant de figures de style à la proue du voilier ! Cette bien belle observation et les conditions météorologiques optimales nous permettent de procéder à la photo-identification, à des photos de drone et à des prises de son acoustique.
Le vent forcit en fin d’après-midi et nous terminons la journée à la voile sans observer les rorquals que nous espérions tous avoir la chance d’observer avant de terminer cette mission bien fructueuse en arrivant au port du Cap d’Agde vers 18h30 et nous consacrer à une soirée de bilan et de prospectives pour mettre en œuvre ces protocoles de suivi dans nos sites respectifs.
Stéphan
Vendredi 25 septembre
Cette quatrième semaine riche en observations s’achève en compagnie d’un Eole très actif ! Nous passons la matinée à ranger et nettoyer le bateau en attendant Louis, notre collègue parti de Martigues au volant d’un minibus. Toute l’équipe est rapatriée sur Sausset, notre point de départ. Merci à toute l’équipe pour cette ambiance sympathique et ces belles observations !
Julie
